Dans le monde du management, des conflits peuvent souvent survenir, entravant la productivité et créant un environnement de travail toxique. Cependant, comprendre la psychologie derrière ces conflits peut être la clé pour les transformer en collaborations. Entrez dans le Triangle de Karpman, un concept puissant qui met en lumière la dynamique des conflits et offre un cadre de résolution. Dans cet article, nous plongeons dans le monde fascinant du Triangle de Karpman et de son application en gestion. Nous explorons comment les rôles de victime, de persécuteur et de sauveteur jouent souvent dans les conflits sur le lieu de travail, et comment la reconnaissance et la modification de ces rôles peuvent conduire à des relations plus productives et harmonieuses. S'appuyant sur des recherches psychologiques et des études de cas réels, nous découvrons les motivations sous-jacentes et les schémas de pensée qui alimentent les conflits interpersonnels sur le lieu de travail. De plus, nous proposons des stratégies concrètes aux managers et aux dirigeants pour mettre en œuvre le Triangle de Karpman dans les entreprises, favorisant une culture de collaboration et transformant les conflits en opportunités de croissance.
Karpman : le Triangle dramatique et le triangle de la compassion
Le triangle de Karpman est très connu, mais souvent bien mal ! Il repose sur les travaux du Dr Stephen Karpman, qui à la demande d’Eric Berne a écrit un article en 1968. Dans notre quotidien professionnel et personnel, quand le stress nous empêche d’accéder à nos ressources et conséquemment d’agir de la façon la plus appropriée à la situation, nous invitons inconsciemment l’autre (conjoint, patron, collègue, collaborateur, enfant, voisin…) dans un jeu psychologique. Nous perdons la créativité nécessaire pour agir de la façon la plus pertinente à la situation et nous réagissons de manière totalement automatique. Dans la mesure où l’autre répond à cette invitation, nous commençons à jouer à un jeu dramatique où les joueurs perdront forcément tous les 2. Ce jeu se joue à 2 joueurs qui incarneront à tour de rôle un des 3 rôles décrit ci-dessous.
Le triangle pointe vers le bas pour symboliser l’instabilité du système et le fait que les rôles vont tourner sans discontinuer. Chacun d’entre nous a un rôle qu’il préfère jouer pour répondre à des besoins et des croyances profondes. Dans la mécanique automatique du jeu, il finira de toutes les façons par jouer également les 2 autres rôles. Cependant, quelque soit le rôle incarné, il ne répond pas sainement aux besoins de personne qui l’incarne.
Exemple d’un scénario :
La Victime demande de l’aide, mais n’en veut pas vraiment sinon, elle ne serait plus victime ! Le Sauveur, compatissant, cherche à aider sans vérifier la nature du besoin réel, puis lassé de ne pas y parvenir finit par se transformer en persécuteur. La Victime contre-attaque et devient Persécuteur à son tour, l’ancien Sauveur devient Victime… La Victime peut également en fonction de ses automatismes essayer de sauver son Persécuteur…
Précisons les rôles :
La Victime:
La Victime joue souvent au « oui, mais....» lorsque le Sauveur lui propose des solutions, car pour rester une Victime, il ne faut pas avoir de solution...
La victime ne dit pas: « J’ai mal au genou », mais seulement: « J’ai mal ».
Elle cultive le flou qui ne permet pas de trouver de solution.
La Victime ne se sent d'aucune valeur.
Son sentiment dominant est la honte.
Elle ne se sent pas de responsabilité propre et rejette la faute sur les autres.
Deux types de Victimes:
La soumise:
Elle a peur de manquer
Elle exagère ses handicaps
Elle se présente comme toujours faible
Elle impose ses désirs à son entourage
La rebelle:
Elle a peur de perdre
Elle redoute l’abandon
Elle est agressive, râle, revendique, réclame
Le Sauveur:
Le sauveur rend service pour ne plus se sentir coupable.
Son sentiment dominant est la culpabilité
Le Persécuteur:
Le Persécuteur est convaincu de sa valeur et que celle-ci est bafouée
Son sentiment dominant est la colère
Il veut venger d’une frustration
Il infériorise, dévalorise, blâme
9 scénarios d’invitation sont possibles :
-une Victime peut inviter un Persécuteur, un Sauveur et même une autre Victime à jouer.
« Je suis trop nul, je n’arriverai jamais à rendre le dossier à temps monsieur »
« Marie, je ne sais plus comment faire avec Olivier…(snif) »
« Décidément, quoique l’on fasse, on finit toujours par l’avoir sur le dos cet apprenti »
-un Sauveur peut inviter un Persécuteur, une Victime et même une autre un Sauveur à jouer.
« J’ai fait cela vite fait pour t’aider, ne fais pas attention à la forme… »
« Laisse je vais le faire, je vois bien que tu n’y arrives pas… »
« Malgré toutes mes sollicitations, tu n’as toujours pas fait l’actualisation du dossier dont j’ai tant besoin… »
-Un Persécuteur peut inviter une Victime, un Sauveur et même un autre Persécuteur à jouer.
« Tu le fais exprès, ou tu es juste incompétent et irresponsable ?
« Enfin, tu ne vois pas ce que tu me fais faire comme bêtises ? »
« Ah bon vous voulez aller au tribunal ? Prenez un bon avocat parce que vous n’avez pas compris à qui vous avez à faire ! »
Renverser le triangle dramatique pour le transformer en triangle de la compassion
L’émotion comme indicateur d’entrée dans le mode automatique
Il est impossible de résister à l’invitation à rentrer dans le jeu sans avoir conscience de soi ! En étant plus à l’écoute de nos émotions, il devient facile de se repérer en train d’entrer dans le jeu. En colère, honteux, coupable ? Toutes les déclinaisons émotionnelles associées sont autant d’indicateurs qui nous renseigneront sur les invitations qui nous sont faites d’entrer en mode automatique.
Ignorer consciemment l’invitation et assumer pleinement son rôle
Tant que vous n’avez pas répondu à l’invitation à rentrer dans le triangle, vous avez la liberté d’utiliser vos qualités pour le bien de la relation et pour sortir grandi de la situation potentiellement conflictuelle.
- Le Persécuteur sait revendiquer ses besoins. Il apprendra à se valoriser tout en valorisant l’autre. Il protégera l’autre dans sa vulnérabilité et l’autorisera à se challenger
- La Victime a conscience de sa vulnérabilité, elle apprendra à ne pas la généraliser et identifier ses « vrais » problèmes et ses « vraies » tares. En s’autorisant à se faire confiance elle apprendra à oser formuler un aide circonstanciée et à se prendre en charge.
- Le Sauveur a un sincère souci de l’autre et à de la compassion. Il aidera de façon pertinente (y compris lui-même) en apprenant à valoriser les potentiels de la Victime en l’aidant à formuler précisément sa demande pour créer ainsi l’autonomie et non la dépendance.
Symboliquement le triangle est inversé pour que sa base soit solide, stable et que chacun d’entre nous puisse y trouver sa propre stabilité.
Le secret des 4 mythes :
Enfin voici une dernière réflexion pour lire le triangle de Karpman et ce qu’il peut éclairer de nous !
Taibi Kahler, qui a développé le modèle process communication (PCM) considère cette découverte des quatre mythes comme étant l'une de ses découvertes les plus importantes :
"Je crois que je peux te faire te sentir bien émotionnellement"
"Je crois que je peux te faire te sentir mal émotionnellement"
"Je crois que tu peux me faire me sentir bien émotionnellement"
"Je crois que tu peux me faire me sentir mal émotionnellement"
Ces mythes reviennent à donner un "pouvoir" à quelqu'un ou à soi-même qui n'est que pure croyance. Chacun des 3 rôles du Triangle dramatique a intégré au moins un de ses mythes très profondément, sans jamais avoir même eu l’idée de commencer à le remettre en cause.
En effet, les 2 premières croyances présupposent que sans demander à l’autre son consentement, je puisse avoir le pouvoir sur son état émotionnel. Les 2 dernières présupposent que l’autre aurait le pouvoir, sans m’en demander l’autorisation ou la simple participation, de modifier mon état émotionnel pour le meilleur comme pour le pire.
De bonnes questions à se poser ?
Quel mythe me meut ?
Quel mythe me met en mode automatique ?
Pour finaliser, encore quelques suggestions de questions.
Pour ceux qui ont les qualités du Sauveur
Avant de rendre service, se demander :
Y a-t-il une demande clairement formulée ?
Qu’est-ce que l’on attend de moi au juste ?
Est-ce que j’ai la compétence pour aider ?
Est-ce que j’ai la disponibilité ?
Est-ce que j’ai vraiment envie ?
Pour ceux qui ont les qualités du Persécuteur
Avant d’agresser et de critique, se demander :
Comment puis-je l’aider à se challenger ?
Comment l’autre peut regarder la situation ?
Qu’est-ce qui me confirme que son attitude est vraiment dirigée contre moi ?
Comment puis-je exprimer ma puissance ?
Quand j’exprime ma colère, où est vraiment ma puissance ?
Pour ceux qui ont les qualités de la Victime
Avant de geindre et se plaindre, se demander :
En quoi cette attitude va-t-elle « magiquement » m’aider ?
Comment puis-je me prendre autrement en charge dans la situation qui me préoccupe ?
Que suis-je en train de généraliser pour voir les choses comme cela ?
Où puis-je demander de l’aide ?
À qui puis-je demander de l’aide ?
De quoi ai-je vraiment besoin pour sortir de cette situation ?
Le Triangle dramatique
Dr Stephen Karpman
Comment passer de la manipulation à la compassion et au bien-être relationnel
Inter Edition